Le CP Berne semble avoir choisi de faire le dos rond en attendant des jours meilleurs. Le hockey qu’il présente est « incolore et sans flaveur ». Florence Schelling a certainement plus d’un chantier devant elle au niveau sportif. Mais quand je constate que le plus grand club de Suisse en est rendu à demander l’aumône à ses abonnés, ça me sidère. Et que dire de la réponse extraordinaire de ses fans. Chapeau !
Le glorieux CP Berne surplombe le hockey suisse depuis quelques décennies. L’excellent homme d’affaire Marc Lüthi, véritable éminence grise de la ligue, tire discrètement les ficelles en veillant aux intérêts de son club et de ses actionnaires. Généralement avec succès si on se base sur les résultats financiers ainsi que sur les nombreux titres du SCB. Il se targue aussi de gérer son club comme une véritable entreprise privée. Un modèle d’affaire exemplaire sous plusieurs aspects.
Mais l’ours bernois est frappé de plein fouet par la crise. Le domaine du spectacle et celui de la restauration sont mis à mal. Habile communicateur, monsieur Lüthi brandit aujourd’hui la menace d’une faillite et implore l’aide des détenteurs d’abonnements. Si la fin peut justifier les moyens dans ce cas précis, la méthode utilisée n’a rien de la démarche d’une véritable entreprise. On joue sur l’aspect émotionnel en demandant aux abonnés de faire un don afin d’éviter la disparition du club. Mais cela évite au passage que les propriétaires perdent leurs grosses mises de fonds.
Une société anonyme en difficulté financière a deux options lorsqu’elle souhaite passer à travers une année compliquée. Soit elle s’endette en empruntant de l’argent, soit elle augmente son capital en faisant appel à des apports supplémentaires de la part de ses actionnaires en place. Elle peut aussi émettre de nouvelles actions, ce qui dilue forcément le pourcentage de part des propriétaires existants. Et ceux du CP Berne ne veulent visiblement pas augmenter le nombre d’actionnaires, synonyme aussi de partage des profits.
C’est comme si votre restaurant préféré vendait des coupons repas, en sachant que vous n’irez pas manger, afin d’éviter la faillite. Ou qu’une compagnie aérienne vendait des billets d’avion virtuels pour sauver l’entreprise et insidieusement la mise de fonds des actionnaires. Je veux bien croire que le club de hockey de la capitale a une valeur sentimentale pour plusieurs, mais de là à quêter de l’argent sans contrepartie en terme d’actions ou de reconnaissances de dette, il y a une limite à ne pas franchir.
Pourtant, c’est bien ce qui passe. De généreux abonnés se transformeront en de multiples petits mécènes d’une entreprise profitable avant le Covid. Et qui le sera probablement encore dans un avenir proche après la crise. Une société dont on vantait la saine gestion avec une application rigoureuse des principes économiques de base. Jusqu’au moment où cela n’arrange plus les propriétaires.
La Confédération va donner de l’argent au club de hockey, dont environ 5 millions au CP Berne. En contrepartie, on exige que certaines conditions de gestion soient remplies, comme le contrôle des salaires. Ce que tout le monde trouve normal. Mais les deux tiers des abonnés du SCB qui donneront la valeur de leur abonnement au club, eux, n’exigeront quasiment rien en retour. Ils sauveront pourtant les billes d’actionnaires multimillionnaires comme Mark Streit et Roman Josi.
Une générosité remarquable qui mériterait peut-être une déduction d’impôt cantonal au titre de don. Mais cette déduction ne s’applique qu’aux entreprises sans but lucratif ou aux organismes de charité. Donc certainement pas au club de hockey de la capitale, qui entretient des athlètes bien rémunérés et qui enrichit des gens déjà fortunés. Dommage pour les extraordinaires partisans du club tout de même.
Tous rêvent d’investir dans une telle entreprise. Car cela ne comporte aucun risque. Si elle fonctionne bien, vous ramassez une partie des profits. Si elle tourne mal, vous êtes sauvés par sa fidèle et merveilleuse clientèle. C’est magique. Soyez fous et imaginez un instant combien d’entreprises privées pourraient être sauvées en faisant appel aux dons de ses clients. Ce serait tout simplement le meilleur des mondes.
Ou le monde selon Saint-Marc et les apôtres actionnaires.
Coup de tonnerre en décembre. Fribourg Gottéron aurait mis sous contrat Raphael Diaz, le meilleur défenseur helvétique de notre championnat. Un Suisse allemand qui quitte non seulement son club d’origine, mais aussi sa région linguistique pour s’expatrier de l’autre côté de la Sarine. Il n’en fallait pas plus pour que le joueur aux 200 matches de NHL et capitaine exemplaire de l’équipe de Suisse devienne soudainement un « loser » de premier ordre dans son fief.
Parce que son départ pour la Romandie ferait ressortir ses côtés sombres, dont celui d’avoir perdu à plusieurs reprises en finale. À l’image du club dirigé par Christian Dubé. Un moment opportun aussi pour rappeler les trois échecs successifs de Gottéron en finale il y a un quart de siècle, à l’époque où on jouait encore avec des cannes en bois. Sans oublier la défaite de 2013 en finale contre Berne. Un peu comme un vieux 45 tours qui tourne en boucle et qui semble encore faire recette.
En résumant l’arrivée de Diaz pour quatre ans à Fribourg par une « association de perdants » et en tirant à boulets rouges sur « Dubs », on occulte volontairement une partie de la réalité. Celle qui nous porte à croire que les clubs romands feront désormais partie de l’équation. Qu’ils ont enfin pu augmenter leurs revenus en construisant de nouvelles patinoires. Et qu’ils sont à l’aube d’une période plus faste que jamais. N’en déplaise à certains.
Vous remarquez que lorsqu’un top joueur suisse allemand signe un contrat dans notre partie du pays, on met souvent en exergue ses côtés négatifs. Des campagnes de dénigrement qui ne devraient plus fonctionner encore longtemps car les équipes romandes ont désormais beaucoup plus des cartes en mains. Et qu’il faudra faire avec eux sur le « dance floor » des transferts, où les disques vinyles ne font plus recette. Au contraire des clichés rétrogrades sur les clubs romands.
On peut toujours discuter de la longueur du contrat consenti au joueur de presque 35 ans. Ou du montant d’argent accordé à Raphael Diaz pour l’attirer en terre fribourgeoise. Mais remettre en cause ses capacités de leadership parce qu’il quitte vers une autre partie du pays est une analyse plus que douteuse. C’est un peu comme si une personne disait, après avoir été larguée par son conjoint, « c’est pas grave, il était mauvais au lit de toute façon ». Vous voyez quoi pis comment.
Bonne semaine à tous
Stéphane