Les supporters fribourgeois n’osent pas y croire et évitent soigneusement le sujet. À un point tel que cela est presque devenu un tabou dans le canton. Et pourtant, tous les ingrédients semblent réunis pour un premier titre en plus de 40 ans au plus haut niveau.
Les pauses de l’équipe nationale, aussi inutiles soient-elle, ont tout de même le mérite de permettre une analyse à tête reposée du championnat. Et force est de constater que Fribourg Gottéron est carrément irrésistible jusqu’à maintenant avec ses 2,16 points par match.
Si on avait le fâcheux sentiment que les matches difficiles lui échappaient auparavant, on a maintenant l’impression que Gottéron trouve toujours une façon de gagner. Qu’ils ont cette espèce de baraka qui caractérisent les bonnes équipes animées par un super esprit de groupe, celui de la gagne.
Car même si les supporters fribourgeois refusent encore d’y croire, ils constatent que leur club joue du hockey très inspiré. Qu’il a ce petit truc en plus qui ne s’explique pas, mais qui se ressent. Et que si la tendance se maintient, leur chance de remporter le titre est bien réelle.
D’ailleurs, depuis 2010, sur les sept fois où les champions de la saison régulière ont accumulé plus de 2 points par match, ils ont été sacrés champion à six reprises. Une forte tendance qui prouve que les équipes dominantes en championnat poursuivent en général sur leur lancée au printemps.
« Sauf pour Gottéron » répondront sûrement les plus pessimistes, ceux qui appliquent la devise qu’on peut lire sur les plaques d’immatriculation québécoises. Le fameux « je me souviens ». Mais qui espèrent secrètement que cette première vraie saison dans la BCF Arena soit la bonne.
Devant le filet, Reto Berra connait actuellement sa meilleure saison en Suisse avec une fiche de 19 victoires et 6 défaites. Sa moyenne de buts encaissés et son taux d’arrêts n’ont jamais été aussi bons. De même, ses quatre blanchissages représentent un sommet en carrière pour l’athlète de 34 ans.
Mais c’est la sérénité du portier vedette qui est la plus frappante. En proie à de fréquentes sautes d’humeur, impatient envers ses coéquipiers, Berra semble désormais mieux canaliser ses émotions et son langage corporel s’est grandement amélioré. Un changement d’attitude apparemment salué par l’ensemble du vestiaire.
Avec du recul, il semble que ce ne soit pas l’année de trop pour les vieillissants Sprunger et Desharnais. Bien au contraire. Car l’incontournable numéro 86 pourrait en scorer une quinzaine tandis que l’attaquant québécois démontre encore son utilité dans tous les aspects du jeu. Un véritable pilier.
De son côté, le fantasque DiDomenico s’impose à nouveau comme l’un des meilleurs fabricants de jeu du pays en distillant des caviars pour des coéquipiers qui s’en trouvent bonifiés. De plus, selon plusieurs joueurs et entraineurs qui l’ont côtoyé, il serait un véritable « money player » qui se délecte de la pression.
Que ce soit en LHJMQ, en AHL, en Italie, en LNB ou en National League, « Dido » a toujours affiché une moyenne de points par match supérieure en playoffs qu’en saison. Ça ne s’invente pas. Inutile de mentionner que son départ laissera un grand vide dans le dispositif offensif des Dragons. Sans doute un dommage collatéral à l’arrivée de Christophe Bertschy.
Killian Mottet et Ryan Gunderson, avec chacun 15 points en supériorité numérique, figurent au deuxième rang de la ligue à ce chapitre. Deux spécialistes qui se complètent à merveille depuis leurs bureaux respectifs au sein de l’excellent power play fribourgeois. Une arme redoutable pour la troupe à Dubé.
Mais ce qui a le plus transformé Gottéron, c’est l’avènement d’une vraie troisième ligne. Que ce soit ensemble ou séparés en raison des blessures, Marchon, Walser et Jörg ont carrément changé la donne avec leur efficacité à cinq contre cinq. Ce qui amène une profondeur de banc que personne n’avait imaginée en début de saison.
En terme de chiffres, la triplette spéciale de course « JMW » a récolté la bagatelle de 56 points à force égale ou en infériorité numérique (sur 57 points au total). De plus, elle affiche un excellent différentiel +40. Autant de raisons qui ont incité Dubé à renouveler rapidement leurs contrats.
Sans crever l’écran, Raphael Diaz a contribué à stabiliser l’arrière-garde fribourgeoise. Régulièrement aligné contre les meilleurs trios adverses, l’ancien joueur de NHL possède la mobilité nécessaire pour les contrer. Et en assumant le rôle de premier défenseur, il a aussi permis à ses coéquipiers d’être assis dans la bonne chaise.
Mais au-delà de la qualité intrinsèque des joueurs, le changement de style de Gottéron a aussi contribué à enlever de la pression sur les arrières. Car au lieu d’attendre l’adversaire dans un système passif 1-4 comme la saison dernière, les joueurs sont beaucoup plus agressifs en échec avant. Ce qui minimise forcément le temps passé en zone défensive, là où le bât blesse.
Depuis sa nomination à la tête de Gottéron en 2015, à l’instar d’autres dirigeants, il a toujours su faire en sorte que les attentes ne soient pas trop élevées malgré les sommes importantes investies. Un réflexe de protection qui lui a sûrement permis de conserver son poste de directeur sportif, son club n’ayant remporté que trois matches de play-offs sous son règne.
Mais à la vue des bons résultats en championnat et des arrivées depuis deux ans, les partisans ne seront plus dupes, même s’ils n’osent pas trop se réjouir afin d’éviter une énième déception. En tant que coach à succès jusqu’ici, Dubé doit cesser cette « fausse » modestie et afficher clairement ses ambitions de titre au lieu de se réfugier dans le rôle d’outsider.
Surtout s’il compte vraiment retourner au Canada dans un avenir proche tout en laissant de gros et longs contrats à assumer derrière lui. Des signatures qui prennent soudainement tout leur sens et qui ressemble à un véritable « all-in » de la part Christian avant de partir.
Bonne semaine à toutes et à tous !
Stéphane