Pour un entraîneur de hockey, la question n’est pas de savoir s’il sera licencié, mais plutôt de savoir quand il le sera. Surtout s’il n’est pas « moderne ».
En NHL, c’est le coach des Canadiens de Montréal qui vient de passer à la trappe. Au bénéfice d’un contrat valable jusqu’en 2022, Claude Julien devra se contenter d’encaisser son chèque d’environ 200’000 dollars US tous les 15 jours. Ça pourrait être pire.
Après un départ canon laissant présager des espoirs de coupe Stanley, les choses ont périclité rapidement pour le CH. Au point de perdre deux matches à la suite contre les pauvres Sénateurs d’Ottawa. Une honte !
Les médias québécois invoquent des arguments subjectifs pour expliquer le licenciement du coach montréalais. Ils parlent notamment de sa difficulté à communiquer avec les jeunes ou de ses méthodes plus nécessairement très « modernes ».
Cette fameuse notion de modernité m’interpelle. Parce qu’elle fait d’abord référence à l’âge. Et qu’elle stigmatise ceux qui ont su traverser les décennies en jonglant avec les nouvelles tendances tout en gardant la recette de leur succès.
La question est de savoir ce qui a vraiment changé par rapport au hockey d’il y a 20 ans. Et en quoi les plus anciens, comme Claude Julien, ne sont plus adaptés pour ainsi mériter leur étiquette négative de « has been ».
Les techniques d’entrainement se sont grandement améliorées. Elles sont confiées à des spécialistes qui gravitent autour des équipes. Skills coach, préparateur physique et coach mental font désormais partie de l’encadrement standard. Même les plus anciens entraîneurs font appel à ces spécialistes.
La composition du coaching staff a aussi évolué. En plus des éternels entraîneurs de gardiens, les clubs ont des spécialistes des unités spéciales qui travaillent sur le « power play » et « le box play ». Même les plus anciens s’appuient sur ces personnes ressources.
Grâce aux nouvelles technologies, la logistique a été bouleversée. Tous les matches sont découpés en séquences vidéos classifiées par thèmes. Les coaches peuvent ainsi choisir rapidement les clips les plus pertinents.
De l’aveu de plusieurs coaches, l’utilisation de la vidéo a totalement changé la donne. Au point qu’on entraîne pratiquement plus le box-play et les systèmes défensifs sur la glace. Un gain de temps et d’énergie, même pour les plus anciens entraîneurs.
Cette expression sert à décrire l’action coordonnée des joueurs lorsque l’adversaire est en possession de la rondelle. Que ce soit au forechecking, au backchecking ou dans la couverture en zone de défensive.
Dans ce registre, impossible de réinventer la roue. Toutes les combinaisons (1-2-2 , 2-1-2 , 1-3-1 ,1-4) ont déjà été utilisées. Les Finlandais ont même défoncé des portes ouvertes avec un soporifique système 0-5. Du génie !
Selon André Tourigny, entraîneur du Team Canada M20, tous les entraîneurs sont de la vieille école en ce qui concerne le jeu défensif. La modernité n’existe pas. Car les principes ne changent pas avec les années.
Dans le secteur offensif, on ne parle pas de systèmes, mais plutôt de tactiques. De ces petits jeux collectifs qui permettent de marquer des goals. De la sortie de zone à l’entrée de zone, en passant par les « set plays ».
Et contrairement aux systèmes défensifs, ces jeux sont souvent répétés sur la glace lors des entraînements parce qu’ils nécessitent une exécution parfaite et requièrent des lignes de patinage prédéfinies.
Dans la phase d’attaque, on entend aussi les entraîneurs parler d’une « bonne gestion » de la rondelle afin d’éviter moult revirements. Une application qui relève de protocoles collectifs bien établis.
Force est d’admettre que la notion de modernité en attaque est aussi très relative. Car en multipliant les cadres du jeu avec la rondelle, on brime la créativité et l’expression du talent. Ce qui constitue un retour en arrière évident
La communication entre les générations est un défi de taille pour tous les entraîneurs. Surtout lorsque vous sautez une lettre. Du genre entre les coaches de la génération « X » et les joueurs de la génération « Z ».
Parce que contrairement à leur aînés, les jeunes athlètes ont besoin de transparence. Ils veulent comprendre et faire partie du projet avant d’exécuter bêtement. Et leur sens de l’autorité est à l’opposé de la génération 40-60 ans.
Bien au-delà des considérations techniques et tactiques du hockey d’aujourd’hui, c’est surtout dans ce domaine qu’il est possible de départager les coaches « modernes » des coaches plus rétrogrades. Peu importe l’âge.
Actuellement entraîneur des Remparts de Québec, le nom de Patrick Roy revient souvent parmi les candidats au poste de coach à Montréal. Même pour celui de directeur général.
Âgé de 55 ans et au bénéfice d’une expérience de coach aux Colorado Avalanches, il fait partie des entraîneurs de la génération « X » qui ont su s’adapter aux jeunes « Z ». Et sa gestion d’équipe est très appréciée par ses juniors.
S’il n’obtient pas de poste en NHL dans les prochaines années, Roy pourrait lorgner vers l’Europe. Le légendaire gardien, qui a joué avec Petr Svoboda, entretient d’ailleurs un excellent réseau de contacts en Suisse…
Bonne semaine à tous
Stéphane